"Mais toi, si, mes paroles vont se nicher dans ta petite poitrine. Un jour, tu t'en souviendras tout d'un coup ; tu ne sauras pas d'où elles viennent et ce sera de moi, comme toi maintenant qui tires de moi tant de choses oubliées. (..)
Maintenant je la rumine comme mes brebis, cette vie; tu m'y pousses, toi, en me remuant, et il y a aussi les années qui desserrent les courroies. On se répand comme une gerbe déliée sur l'aire. C'est comme si on allait me battre et me vanner pour faire sortir mon grain; comme si on me foulait dans un pressoir pour que je donne mon vin; c'est le moment des vendanges, toi, tu me comprends... Je vais te dire beaucoup de choses ; que tu apprennes de ton grand-père, que tu emportes tout ça là où je n'arriverai pas, moi! Je veux être tout ce qui te manque : ton père et même ta mère, chaque nuit. Oui, même ta mère, tu vois! Est-ce que j'aurais jamais pensé ça!... Tu ne dormiras pas seul ; moi, je n'ai jamais dormi seul, j'ai eu cette chance. Maintenant, oui, bien sûr, mais nous, les vieux, notre histoire nous accompagne... Oui, j'ai eu de la chance."
Le sourire étrusque, José Luis Sampedro, éditions Métailié, 1997, p200
peinture de Nicoletta Ceccoli (lien à droite)
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