28.2.08

Sleeping with ghost



En ce moment, je m'endors et me réveille avec Racine. Explications : j'ai les oeuvres théâtrales complètes en collection Bouquin sur ma table de nuit. Je les ai acheté, concours oblige, il y a de cela un bon mois. Et depuis je n'arrive pas à me passer d'une stance, d'une tirade, d'un monologue avant de m'endormir. Pire : plus j'en lis, plus j'ai envie d'en lire! 
Depuis que je suis en âge de comprendre un texte littéraire (ce qui est assez récent...) tous mes profs prennent cet auteur en référence, à tort ou à travers. Bien sûr, je ne suis pas ignare, j'ai déjà lu une de ces pièces. Phèdre. En deuxième année.  J'ai eu le coup de foudre. Mais je n'avais jamais pris le temps de lire le reste, juste de le survoler. C'est chose faite, et je viens de découvrir ce que tout le monde savait sauf moi : chez Jean, tout est bon! Alors pour le plaisir, je vous mets un petit extrait, celui que je connais presque parfaitement, et surtout celui qui m'a sciée quand je l'ai lu la toute première fois (Phèdre, acte I scène III)

Phèdre
Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d'Égée
Sous les lois de l'hymen je m'étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi,
Athènes me montra mon superbe ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ; 
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ; 
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ; 
Je sentis tout mon corps, et transir et brûler.
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables.
Par des vœux assidus je crus les détourner : 
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner ; 
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée.
D'un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brûlait l'encens : 
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
J'adorais Hippolyte, et le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer.
J'offrais tout à ce dieu, que je n'osais nommer.
Je l'évitais partout. Ô comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
Contre moi-même enfin j'osai me révolter : 
J'excitai mon courage à le persécuter.
Pour bannir l'ennemi dont j'étais idolâtre,
J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre ; 
Je pressai son exil, et mes cris éternels
L'arrachèrent du sein, et des bras paternels.
Je respirais, Œnone. Et depuis son absence,
Mes jours moins agités coulaient dans l'innocence ; 
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
J'ai revu l'Ennemi que j'avais éloigné : 
Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée : 
C'est Vénus toute entière à sa proie attachée.

Je ne m'en lasse pas. Si j'avais pu décrire le coup de foudre de cette façon! Vous avez de la chance, vous échappez de peu à l'analyse stylistique. Anecdote : la jeune cousine de Bibi voulant me coller il y a quelques temps (perturbée par le fait que je veuille passer du côté obscur de la force...) me récita les premiers vers de ce passage en me mettant au défi de deviner qui était l'auteur... mal lui en a pris... je lui ai déclamé le reste... elle n'en est toujours pas remise...

Et si vous avez la flemme de lire, je vous envoie écouter la voix de Sarah Bernhardt (vous savez, la belle actrice photographiée par Nadar en dessous...) récitant un extrait de la scène V de l'acte II.


On dit merci qui? Merci Jean!

p.s. : pour le croquis de costume : ©Christian Lacroix pour la mise en scène d'Anne Delbée à la Comédie Française en novembre 1995. Phèdre jouée par Martine Chevalier. Merci encore Co pour le bouquin!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Racine, j'adore. :D